Nº 10 - abril 2016

Lia Lombardi, Adjunct Professor, University of Milan, Dept. of Clinical Science and Community, University of Milan; Fondazione ISMU (Initiatives and Studies on Multi-Ethnicity); E-mail: rosalia.lombardi@unim.it; l.lombardi@ismu.org

Abstract: The relation between socio-economic level and health is defined “social gradient”. This shows how those who are economically and socially better off also enjoy better health, compared to those in the lower socio-economic categories. Social inequalities in health can therefore be defined as “systematic differences in health between different socio-economic groups within society” (Giarelli, Venneri 2009, p. 411).

The study focuses on the health and well-being of immigrants in Italy and Lombardy, and assumes that health is linked to social inequalities, lifestyles and changes in migration processes.

From a methodological point of view, the study follows the theoretical approaches used by the sociology of health and by medical anthropology; both national and international secondary data are used, and the results of a survey carried out in Lombardy are also analysed.

Keywords: Health, Migration, Lifestyle.

Résumé: Le lien entre le statut social et le niveau de la santé-maladie est défini “gradient social”. Cela signifie qu’à chaque niveau d’une position sociale mesurée, ceux qui bénéficient des conditions les plus avantageuses présentent un meilleur profil de santé par rapport à ceux qui ont une position sociale défavorable. Les inégalités sociales de santé peuvent par conséquent être définies comme des «différences systématiques dans la santé entre les différents groupes socio-économiques au sein de la société» (Giarelli, Venneri 2009, p. 411). Cette étude porte sur l’état de santé et sur le bien-être des immigrés en Italie et en Lombardie, en supposant que la santé est liée aux inégalités sociales, aux styles de vie et aux changements affectant la migration. D’un point de vue méthodologique, l’étude fait référence aux approches théoriques de la sociologie de la santé et de l’anthropologie médicale; on a aussi observé les rapports et les sources secondaires de données au niveau national, avec quelques références au niveau international, et l’on a élaboré et analysé les donnés de la survey conduite sur terrain en Région Lombardie.

Keywords: santé, migration, style de vie.

1. Les migrations, la globalisation et la santé

Les migrations sont des «faits sociaux totaux», car elles représentent des moments cruciaux de la réalité humaine (Mauss, 1965). A partir de cela, on peut dire que l’histoire de l’humanité «est l’histoire de la migration». Ce phénomène touche toutes les sphères de la vie sociale et individuelle, aussi bien les sociétés d’émigration que celle d’immigration, ne laissant rien à l’endroit où il était avant.

Plus de 232 millions de personnes (plus de 3% de la population mondiale) ont quitté leur pays en 2012, alors qu’ils étaient 175 millions en l’an 2000 (Caritas, 2013). Selon Eurostat, 33.3 millions d’immigrés vivaient dans l’UE en 2010, avec une incidence de 6.5%. Si l’on considère les chiffres absolus au 1er janvier 2013, c’est en Allemagne que vit le plus grand nombre d’étrangers résidant dans l’UE (7,7 millions de personnes), en Espagne (5,1 millions), au Royaume-Uni (4,9 millions), en Italie (4,4 millions) et en France (4,1 millions). Les non-citoyens résidant dans les cinq États membres de l’UE représentent 77% du total des résidents étrangers dans l’UE-27.

Compte tenu de l’ampleur du phénomène et du fait que presque toutes les régions du monde soient concernées, nous devons tenir compte de l’aspect international aussi bien de la migration que de la santé des migrants : les disciplines socio-anthropologiques ont montré «que la distribution de la santé et de la maladie au sein d’une société, n’est jamais occasionnel, mais étroitement liée à la position d’une personne dans la stratification sociale» (Giarelli, Venneri, 2009, p. 424). Les inégalités sont par conséquent multiples et stratifiées. Tous les pays sont touchés par les deux types d’inégalités, internes et externes.

Comme Giarelli et Venneri (2009, p. 424) le soulignent, «non seulement il y a une sorte de gradient international de l’inégalité mais il est encore plus vaste qu’à l’intérieur des pays» mettant en évidence un plus grand écart entre le Nord et le Sud du globe, basé plus particulièrement sur des indicateurs de santé (tableau 1).

 

Tableau 1 – Quelques indicateurs de santé dans le monde – Régions OMS, 2013

        

Source : World Health Statistics, WHO, 2015

Le processus de migration se compose de plusieurs étapes et de différents facteurs qui influent sur la santé des migrants et compromettent leur état de bien-être. Par conséquent, la condition des migrants se superpose aux inégalités «internes» et «externes» pré-existantes et déterminent une «accumulation de l’inégalité» (Lombardi, 2005, 2008, 2011, 2016a,b) et/ou une «discrimination multiple » (Zanfrini, 2005).

2. La santé des immigrés en Italie. Non-communicable diseases, facteurs de risque, style de vie

Il est bien connu que les maladies non transmissibles (MNT-NCD) sont directement liées au style de vie que Max Weber avait déjà relié à la notion de status (Weber, 1995) en établissant une interconnexion dialectique entre les chances de vie, déterminées par la structure sociale, et les choix de vie, résultats de la sélection, par l’acteur social, parmi les chances de vie disponibles. Par conséquent, le style de vie d’une personne est le résultat de la dialectique entre la liberté subjective (choix de vie) et les possibilités déterminées par la structure sociale (chances de vie), (Giarelli, Venneri, 2009, pp. 186).

Les maladies non transmissibles (MNT) sont la principale cause de mortalité à l’échelle mondiale. Elles comprennent principalement les maladies cardiovasculaires, les cancers, le diabète et les maladies pulmonaires chroniques. Le rapport 2010 de l’OMS montre que la plupart de ces décès pourraient être évités par des actions appropriées et efficaces. En effet, les MNT-NCD sont dues, en grande partie, à quatre facteurs de risque comportementaux (Brown, 2013), qui sont les résultats de la transition économique, de l’urbanisation rapide et des styles de vie du 21ème siècle : le tabagisme, la mauvaise alimentation, le manque d’activité physique et l’abus d’alcool. Les principaux effets de ces facteurs de risque sont particulièrement visibles dans les pays à faibles revenus et à revenus intermédiaires, ainsi que parmi les populations les plus pauvres dans chaque pays (WHO, 2010). Parmi ces populations et ces différents groupes sociaux, un cercle vicieux peut se mettre en place : la pauvreté expose les populations à des risques de maladies non transmissibles et ces maladies peuvent devenir, à leur tour, un moteur important de la spirale descendante qui mène les familles à la pauvreté (Pampel, Krueger & Denney, 2010; Lombardi, 2011).

L’Organisation Mondiale de la Santé et les organismes gouvernementaux mettent en évidence les inégalités sociales et de santé liées aux MNT mais aussi le coût élevé de la santé publique (Beauchamp, 1987; Gruaux, 1988; Fasano, Pasini, 2007; Skipper, 2012). Pour ces raisons, la Global Strategy for the Prevention and Control of Non-Communicable Diseases, adoptée par l’Organisation mondiale de la Santé en 2000 et mise en œuvre par le Plan d’action 2008-2013, indique qu’une action efficace est maintenant nécessaire pour chacun des trois objectifs de la stratégie: a) mettre en œuvre la cartographie des maladies non transmissibles et de leurs causes; b) réduire les principaux facteurs de risque à travers la promotion de la santé et la prévention primaire; c) renforcer les soins de santé pour les personnes atteintes de maladies non transmissibles.

En considérant ce qui précède et en prenant en compte le fait que les conditions de vie des migrants sont notoirement fragiles et défavorables nous pouvons affirmer qu’ils sont plus exposés à une conduite incorrecte (abus d’alcool et de tabac, mauvaise alimentation, manque d’activité physique) et au risque de maladies non transmissibles (Pampel, Krueger & Denney, 2010;  Lombardi, 2011, 2016a). Pourtant, différentes étapes et différents facteurs influent sur la santé des migrants dans leur processus de migration et contribuent à leur état de santé, par exemple: a) les facteurs liés au pré-départ; b) les conditions du voyage; c) les facteurs liés à l’environnement et à la société de l’immigration.

La population étrangère résidant en Italie en 2013 est estimée à 4,9 millions d’habitants, soit 8,2% de la population totale présente un état de santé moyennement bon, avec une meilleure perception de leur état de santé que les italiens (77% vs 68%). Entre 2003 et 2009, le taux de mortalité normalisé selon l’âge (18-64 ans) a diminué et est inférieur à celui de la population italienne pour toutes les causes principales de décès, sauf pour les causes externes de morbidité et de mortalité. Le nombre d’hospitalisation d’étrangers en provenance des pays avec une forte pression migratoire (PFPM) est inférieur à celui concernant la population italienne, surtout chez les hommes.

Face à un état de santé moyennement bon des immigrés résidant en Italie, des disparités importantes émergent par rapport aux styles de vie et aux quatre indicateurs principaux: abus d’alcool, tabagisme, activité physique et nutrition. Le rapport PASSI[1], publié en 2015, compare les styles de vie et les habitudes des italiens et des étrangers vivant en Italie par rapport à la prévention et aux soins de santé. Voici quelques résultats de ce rapport.

En ce qui concerne le tabagisme: les étrangers fumeurs sont dans la majorité des citoyens européens (40%), la consommation de tabac est très faible parmi les immigrés indiens, philippins, chinois et marocains; 22% des fumeurs viennent de l’Afrique sub-saharienne.

L’abus d’alcool est une habitude généralisée, en particulier chez les jeunes hommes entre 18 et 24 ans. Le rapport PASSI met en lumière la façon dont 44% des étrangers originaires des pays à forte pression migratoire (PFPM) consomment de l’alcool, même occasionnellement, tandis que 15% sont des consommateurs à risque. Parmi ceux-ci, 4% sont de forts consommateurs habituels d’alcool, 11% boivent entre les repas et 7% sont des buveurs “binge”, c’est à dire qu’ils font des ˝orgies˝ d’alcool.

Bien que la consommation d’alcool soit plus faible chez les étrangers que chez les italiens, il existe des différences importantes selon les origines: dans les milieux asiatiques et africains l’abus d’alcool concerne respectivement 7% et 11% de la population; dans le cas des immigrés américains (surtout de l’Amérique du Sud), le taux de consommation d’alcool a augmenté et est passé à 22% de la population.

40% des personnes interviewées provenant de PFPM déclarent avoir un style de vie actif, en lien avec leur activité professionnelle (23%) ou grâce à l’activité sportive qu’ils pratiquent pendant leur temps libre (72%), tandis que 5% d’entre eux cumulent les deux options. Ces pourcentages sont assez proches des habitudes des 33% d’italiens qui pratiquent une activité physique: 87% font du sport pendant leur temps libre, 10% font des efforts physiques au travail et 3% cumulent activité professionnelle physique et sport. 27% des répondants étrangers se déclarent «partiellement actifs» contre 36% de l’échantillon italien. Le style de vie sédentaire concerne 31% des Italiens et 32% des étrangers, un chiffre qui augmente chez les personnes ayant une qualification moindre, de plus grandes difficultés économiques, étant au chômage ou qui n’ayant pas d’emploi stable.

Une analyse des styles de vie ne peut être pas complète sans s’intéresser à la nutrition de la population. Une bonne nutrition est en effet le premier facteur de prévention des maladies directement liées à l’obésité et à la mauvaise alimentation.

Pour déterminer ce que le rapport PASSI a définit comme «état nutritionnel», les chercheurs utilisent l’indice de masse corporelle (IMC) en tant qu’indicateur de l’état de santé. L’enquête PASSI a montré qu’il existait de grandes différences entre le pourcentage d’étrangers de PFPM obèses ou en surpoids (39%) et les italiens et les étrangers de PSA (42%). L’état nutritionnel dépend, pour les italiens et les immigrés, de facteurs tels que l’âge, les difficultés économiques et la situation d’emploi. Si dans les cas du tabagisme de l’abus d’alcool, et de l’activité physique, le style de vie évolue en fonction du temps passé en Italie, l’état nutritionnel ne varie pas en fonction de l’ancienneté de son arrivée dans le pays.

Le rapport PASSI, enfin, ne prend pas seulement en compte les “big four” de la santé publique, mais aussi la prévention de différents types de cancers et le bien-être général. Parmi les immigrants de PFPM on observe qu’un pourcentage moindre de la population a bénéficié de frottis et de mammographies, ainsi que des examens pour la détection précoce du cancer du côlon: par exemple, 58% des femmes étrangères ont subi une mammographie de dépistage contre 70% des italiennes et 68% des femmes étrangères ont fait un frottis contre 76% des italiennes.

3. Santé et styles de vie des immigrés en Lombardie

Nous passons maintenant à l’exploration de certaines données sur la santé et les styles de vie des immigrés provenant des pays avec une forte pression migratoire et habitant en Lombardie[2].

En 2013, on a dénombré 120.020 hospitalisations d’étrangers en provenance de pays avec une forte pression migratoire (PFPM), et résidant en Lombardie, soit 7,9% de l’ensemble des admissions régionales. La répartition de genre indique une plus grande fréquentation des femmes dans le cas des hospitalisations ordinaires (63,2%) mais aussi en hôpital de jour, où la prévalence est plus marquée (78,9%).

En ce qui concerne la répartition de genre par macro-région de provenance, le nombre de femmes dans les hôpitaux est plus élevé que les hommes, même dans les groupes de migrants caractérisés par une majorité d’hommes, tels que l’Afrique du Nord et les d’autres pays africains.

Le nombre d’admissions de femmes dans les hôpitaux est plus élevé en raison des grossesses, des avortements et des accouchements: les admissions pour ces raisons représentent un total de 32.594 cas soit 27,2% du total des admissions d’étrangers et 41,5% des hospitalisations des femmes avec nationalité PFPM. Les hospitalisations pour accouchement des femmes immigrées représentent 26,2% de tous les accouchements qui ont lieu en Lombardie et le pourcentage d’admission pour avortement s’élève à 33,7%.

Les étrangers hospitalisés ont plutôt suivis des enseignements de niveau primaire et collège (38,2% et 22,2%) : cette donnée est en opposition par rapport aux niveaux d’éducation de la population étrangère résidant en Lombardie qui met en évidence des niveaux d’éducation plus élevés (Blangiardo, 2015). Cette apparente contradiction montre que la santé des immigrés, avec un faible niveau d’éducation, est plus à risque et plus fragile que celle de leurs compatriotes les plus éduqués (Lombardi, 2015).

L’analyse des admissions en hôpital (Lombardi et al., 2015) et l’enquête (ISMU, ORIM 2014) menée en Septembre-Octobre 2014 sur un échantillon de 4000 immigrés en Lombardie (Blangiardo, 2015) mettent en évidence l’existence de certaines zones critiques pour la santé de la population migrante tels que les nouvelles stratégies de soins résultant de la crise économique, les styles de vie (tabagisme, nutrition, activité physique) ou encore l’attitude envers la prévention de la santé.

Les résultats de cette dernière étude sont principalement basés sur le croisement des variables principales avec des indicateurs socio-démographiques tels que le sexe, l’âge, l’éducation, les revenus, la durée de l’immigration (Lombardi et al., 2015).

En ce qui concerne la crise économique, 32,2% des répondants a adopté une nouvelle stratégie de soins pour résoudre les difficultés qui ont eu lieu pendant l’année précédent l’interview. Parmi eux, 16% utilisent des remèdes maison ou traditionnels; 13% abandonnent les soins médicaux; 12% préfèrent aller aux urgences plutôt qu’aller chez un spécialiste (tableau 2).

  

Tableau 2 – Nouvelles stratégies de soin adoptées à cause des difficultés économiques dans les 12 mois précédent l’entretien. Lombardie, 2013

 

Source : Traitement des données Orim, 2014

La répartition par niveau de scolarité montre que le pourcentage de migrants qui changent de stratégie de soins médicaux est plus important pour les catégories les moins instruites (28,5% des répondants ayant une formation universitaire, 48,5% des personnes sans scolarisation). La répartition par groupes de revenus, souvent liés aux niveaux de scolarité, suit la même tendance: les comportements par rapport aux soins changent plus chez les immigrés à faible revenu (50,6% – moins de 500€ par mois) que chez ceux ayant les revenus plus élevés (17,8%, 1501-2500€ par mois). La distribution par macro-régions d’origine montre que les stratégies de traitement ont été modifiées chez 40% des Africains, 36,3% des Nord-Africains, 33,3% des Asiatiques, 31,5% des Européens UE et 28,7% des Européens Non-UE.

Il est clair que ce changement dans les stratégies de soins est du à la détérioration des conditions de vie (par exemple, le chômage et l’état d’irrégularité sur le territoire italien). Cette situation affecte d’avantage les africains et les maghrébins puisqu’ils abandonnent les traitements médicaux dans respectivement 20% et 17% des cas (Lombardi et al. 2015).

Les données sur le tabagisme en Lombardie montrent que 29% des immigrés de plus de 14 ans font usage du tabac : les mêmes données au niveau national sont de 22,0% (ISS, Rapport sur le tabagisme, 2014).

La répartition par sexe couvre 41,4% des hommes et 15,4% des femmes de plus de 14 ans. La moyenne nationale est presque comparable à celles des femmes (18,9%), mais très différente de celle du groupe masculin (25,4%). La répartition selon l’âge montre que le groupe 30-34 ans (34,3%) est le plus touché par le tabagisme. Les données concernant les groupes plus jeunes ne sont cependant pas négligeables : 25,1% de tabagisme parmi les jeunes de 15 à 19 ans ; 27,6% du groupe de 20-24 ans et 28,2% de celui des 25-29 ans.

La distribution par macro-régions d’origine montre que les fumeurs les plus dépendants sont les européens UE (46,0%) et non-UE (34,0%), suivis par les nord-africains qui représentent 33,6% des fumeurs.

 

Tableau 3 – Tabagisme des immigrés, par groupes d’âges. Lombardie, 2013

 

Source : Traitement des données Orim, 2014

La pratique sportive n’est pas particulièrement fréquente chez les immigrés interviewés: seulement 25,4% d’entre eux affirment pratiquer une activité physique au moins 2 fois par semaine, comparativement à la moyenne nationale, qui regroupe environ 70% de ceux qui disent de se livrer à des activités sportives ou physiques (ISTAT, 2013). Les femmes immigrées sont encore moins nombreuses: seulement 20% d’entre elles pratiquent une activité physique régulière.

La scolarisation a un effet positif sur l’activité physique: 34,3% des répondants ayant un diplôme universitaire/Phd/Master, pratiquent un sport et seulement 8,1% de ceux qui n’ont pas de titre officiel (tableau 4).

Tableau 4 – Activité physique et niveau de scolarisation. Lombardie, 2014


Source : Traitement donnés Orim, 2014

La répartition par les macro-régions d’origine indique une plus grande propension à l’activité sportive chez les africains (32,8%), les latino-américains (32,5%), les européens UE (30,7%).  Les africains du Nord (20,4%) et les asiatiques (18,9%) représentent les pourcentages les plus faibles.

Si nous regardons l’orientation religieuse, nous constatons que ceux qui se considèrent comme chrétiens et qui sont originaires d’Europe et d’Amérique latine (42,6%) pratiquent d’avantage une activité physique, tandis que seulement 22% de ceux qui affirment être musulmans et qui proviennent principalement de l’Afrique du Nord font du sport.

Un autre indicateur que nous avons pris en considération pour l’analyse des styles de vie est l’alimentation, en particulier la consommation quotidienne de fruits et légumes. 78,7% des répondants ont déclaré consommer des fruits et des légumes tous les jours (la moyenne nationale est de 83,5%) avec une répartition selon le sexe qui affecte davantage les femmes (85,4%) par rapport aux hommes (73,5%). Des différences très importantes sont mises en évidence dans la distribution «éducation» et «revenu»: l’augmentation de la consommation quotidienne de fruits et légumes est liée au niveau d’éducation (90,7% chez les diplômés à 49,5% chez ceux n’ayant aucun titre d’étude formel), (tableau 5).

 

Tableau 5 – Consommation quotidienne de fruits et légumes par rapport au niveau d’éducation. Lombardie, 2014


Source : Traitement des données Orim, 2014

Une tendance similaire est observée à propos des «revenus», variable dans laquelle on retrouve une consommation quotidienne de fruits et légumes allant de 85,7% pour ceux ayant les revenus les plus élevés (plus de 2.500€ par mois, mais rappelez-vous que cette catégorie ne comprend que 27 répondants) à 65,8% pour ceux qui gagnent moins de 500€ par mois. Ces deux variables ont certainement une relation significative, mais le niveau de scolarité semble être le facteur le plus important: pour certains comportements, le «capital culturel» a un impact plus élevé que le capital économique.

Nous avons considéré en dernier lieu les visites médicales périodiques pour la prévention de la santé, tels que les tests de sang, les frottis, les dépistages de cancer. On peut considérer la prévention comme l’un des indicateurs de santé les plus importants. En effet, on peut voir dans l’utilisation des services de soins accessibles un indice d’inclusion sociale et d’acquisition des pratiques de soins du pays d’immigration par les étrangers en Italie.

Seulement 41,3% des personnes interviewées affirment effectuer des visites périodiques de dépistage et de prévention, la moyenne nationale étant d’environ de 70% (tableau 6).

Tableau 6 – Recours aux programmes de prévention en fonction le genre. Lombardie, 2013


Source : Traitement des données Orim, 2014

La répartition selon le genre montre une supériorité significative des femmes (54,7% vs 29,2% des hommes) par rapport à l’accès aux visites et aux programmes de prévention, fort probablement en raison des soins liés à la santé reproductive (grossesse, accouchement, contraception) et à la prévention des cancers féminins. En effet, 54% des femmes âgées de 20 à 49 ans recourent à la prévention par rapport à 26 % des hommes du même groupe. Parmi les immigrés les plus âgés (plus de 50 ans) le nombre moyen de recours aux visites de prévention augmente chez les hommes (48,7%), en raison du vieillissement, tout en restant significativement inférieure à celle des femmes (66,0%).

Le recours à la prévention est nettement plus élevé chez les interviewés ayant un niveau élevé d’éducation et de revenus (respectivement 45,2% et 53,3% par rapport aux titres de niveaux secondaires et diplômes universitaires, 50,4% et 55,5 % pour les groupes de revenu de 1.501-2500 à plus de 2.500€ par mois).

Pourtant, en ce qui concerne les macro-régions d’origine, les plus “vertueux” semblent être les européens UE (45,3%), et non-UE (44,9%) et les latino-américains (43,8%) ; on observe moins de recours à la prévention chez les nationalités africaines (39,9%), de l’Afrique du Nord (39,0%) et de l’Asie (38,1%).

Enfin, le nombre d’années de présence en Lombardie est un facteur très important dans la décision d’entreprendre un parcours de prévention: on observe une augmentation de l’utilisation des services de prévention en rapport avec la durée du séjour en Lombardie : 26% de ceux qui résident dans la région depuis moins de 2 ans ont recours à la prévention contre 47% de ceux qui habitent la région depuis 10 ans ou plus.

 

Tableau 7 – Recours aux programmes de prévention, selon la durée de l’immigration en Lombardie, 2013

 
Source : Traitement des données Orim, 2014

4. Les variables socio-culturelles

Les variables socio-culturelles sont également des facteurs qui influent sur la santé des populations migrantes. Il est donc essentiel d’adopter une perspective socio-anthropologique pour identifier les expériences, les perceptions, les représentations culturelles associées aux styles de vie et aux maladies des immigrés. Pour mieux situer les maladies non transmissibles il faut noter que certaines représentations culturelles du corps humain peuvent affecter la perception de la maladie et l’adoption des styles vie.

Le statut du corps et de ses différentes parties n’est pas établi de la même manière en fonction des contextes; Il suffit de penser, par exemple, aux différentes conceptions liées au cordon ombilical et au placenta. Le traitement qui leur est réservé, une fois séparés du corps de la mère et de l’enfant, peut avoir une influence sur le lien qui va perdurer pendant la vie de ce dernier. Les différents fluides corporels – le sang, le sperme, le lait – sont des objets hautement symboliques et leur utilisation lors de pratiques culturelles peut révéler leur ambivalence : véhicules de vie mais aussi potentielle contagion ou mort éventuelle (Héritier-Augé 1993).

De même, les différents organes du corps humain liés à la maladie peuvent être soumis à des perceptions individuelles ou à des interprétations culturelles et sociales. Par exemple, ils peuvent être considérés comme le siège des émotions ou des traits de caractère spécifiques, susceptibles d’être affectés par des événements qui influencent les relations sociales de l’individu et sa relation avec le milieu environnant.

Il est clair que la connaissance des différentes perceptions et des représentations du corps humain, de ses éléments (organes et fluides vitaux) et de la maladie, est importante dans le développement de campagnes d’informations peuvant être destinées à des publics de différentes origines. Les immigrés en Italie ont des représentations spécifiques de la santé et de la maladie, ils peuvent avoir une conception particulière des styles de vie et utiliser d’autres méthodes, plus traditionnelles, pour prendre soin de leurs corps. Ces conceptions et pratiques sont transformées ou cristallisent dans le contexte de l’arrivée, parfois elles disparaissent. Un autre des facteurs qui affectent la santé des populations migrantes entre ici en jeu: le contexte social de l’immigration.

Les maladies non transmissibles, souvent à tort considérées comme limitées aux pays développés, tuent de nombreuses personnes dans les pays du tiers monde. Elles sont considérées par l’OMS comme l’un des produits de la mondialisation des styles de vie incorrects. La recherche socio-anthropologique peut étudier de nouvelles façons de vivre, de nouvelles façons de réfléchir sur les étapes de la vie à la fois dans les pays d’origine et dans les pays d’immigration.

 

Conclusion

Quelques mots pour fixer les résultats les plus significatifs de cette étude sur la santé et les styles de vie des immigrés en Italie et en Lombardie.

Les données observées nous indiquent que l’état de santé de la population immigrée en Italie et en Lombardie est moyennement bon et que la perception de leur santé par les immigrés est meilleure que celle des Italiens.

En dehors de cela, on a constaté que des facteurs stables tels que le sexe, le niveau d’éducation, le revenu, la durée de la migration influent sur les variables structurelles. D’autre part, l’appartenance religieuse et la nationalité apparaissent comme des variables culturelles.

Une autre condition à prendre en compte est celle relative à la crise économique, à cause de laquelle plus de 30% des migrants ont modifié leurs stratégies de soins ou renoncé aux traitements médicaux.

Les données sur l’utilisation des services de prévention sont très importantes car elles mettent en avant un pourcentage de personnes immigrées les utilisant encore trop faible par rapport à la population italienne. Elles pointent ainsi du doigt le fait que les différences de nationalité et d’origine géographique sont encore des domaines qui nécessitent une attention particulière et des interventions plus fréquentes

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[1] PASSI: Progressi delle Aziende Sanitarie per la Salute in Italia Recherche commencée en 2006, produite par l’Université Ca ‘Foscari de Venise en collaboration avec l’OMS, gérée par l’Institut Supérieur de Santé.

[2] Les références de ces analyses sont les chapitres sur la santé (Lombardi et al., 2015) contenues dans les rapports annuels de la Fondation ISMU et de l’Observatoire régional des migrations (Cesareo, 2015), et l’enquête annuelle sur les migrations en Lombardie (Blangiardo, 2015).

Autores: Lia Lombardi

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