2025, n.º 38, e2025384

Maryse Bresson
RÔLES : Conceptualisation, Analyse formelle, Recherche, Méthodologie, Visualisation,
Rédaction — version originelle, Rédaction — révision et correction
AFFILIATION : Université de Versailles Saint-Quentin en Yvelines, Université Paris-Saclay, Laboratoire Printemps (UVSQ/CNRS).
47 Boulevard Vauban 78047 Guyancourt cedex, Paris, France
E-mail : maryse.bresson@uvsq.fr | ORCID : https://orcid.org/0009-0009-2890-0821

Resumé : Le présent article interroge la dimension territoriale sous l’angle du vieillissement démographique en France et au Québec. Il étudie les effets produits par des politiques visant à transformer les sociétés humaines à partir de modèles abstraits et partiels du territoire. Or le territoire vécu est un espace social complet : politisé, gouverné mais aussi diversement approprié et transformé par ses acteurs. Prenant l’exemple des services à domicile, l’article montre que la lutte contre les inégalités constitue un objectif consensuel en apparence seulement, car les politiques menées en son nom peuvent “oublier” les vulnérabilités liant les devenirs humains et environnementaux, notamment, en négligeant les conséquences induites pour les autres acteurs concernés: professionnels de l’intervention sociale et également, “récepteurs” des aides, usagers de services, habitants des territoires vécus au quotidien. Puisqu’une politique de planification des services à l’échelle d’un territoire abstrait entre en tension avec les mobilités et l’histoire des liens construits dans les territoires vécus, l’article invite à replacer ces territoires vécus au cœur des politiques de solidarités.
L’analyse mobilise les résultats d’une enquête franco-québécoise sur l’aide et les services à domicile auprès des aînés (Ficopsad ANR FQRSC 2016-2022), fondés sur la collecte entre 2016 et 2018 de 170 entretiens par la méthode des “regards croisés” dans deux régions en France et deux régions au Québec, auprès de personnes aidées et de proches aidants, de salariés, de cadres.

Mots-clés : territoires vécus, vieillissement, services à domicile, recherche franco-québécoise.

Resumo: O presente artigo questiona a dimensão territorial sob o ângulo do envelhecimento demográfico em França e no Quebeque. Ele analisa os efeitos produzidos por políticas que visam transformar as sociedades humanas segundo modelos muitas vezes abstratos e parciais do território. O território é um espaço social completo: politizado, governado, diversificado e transformado por vários atores. Tomando como exemplo os serviços de apoio domiciliário, o artigo mostra que a luta contra as desigualdades constitui um objetivo consensual apenas em aparência, porque as políticas conduzidas em seu nome podem “esquecer” as vulnerabilidades que ligam os acontecimentos humanos e ambientais, nomeadamente, negligenciando as consequências induzidas sobre os outros atores: profissionais da intervenção social e também “recetores” dos auxílios, utilizadores de serviços, habitantes dos territórios vivenciados no quotidiano. Assim, uma política de planeamento dos serviços à escala de um território abstrato entra em tensão com as mobilidades e a história dos vínculos construídos nos territórios vividos. O artigo convida a recolocar esses territórios vividos no centro das políticas de solidariedade.
O presente artigo baseia-se nos resultados de uma pesquisa franco-quebequense sobre a ajuda e os serviços domiciliários junto dos idosos (Ficopsad ANR FQRSC 2016-2022), baseados na recolha entre 2016 e 2018 de 170 entrevistas pelo método “olhares cruzados” em quatro regiões (duas na França, duas no Quebeque), junto de idosos e cuidadores, de trabalhadores, de quadros.

Palavras-chave: territórios vividos, envelhecimento, serviços domiciliares, pesquisa franco-quebequense.

Abstract: This article questions the territorial dimension from the angle of demographic aging in France and Quebec. Policies aim to transform human societies according to often abstract and partial models of the territory. However, the territory is a complete social space: politicized, governed, variously appropriated and transformed by various actors. Using the example of home care services, the article shows that the fight against inequalities constitutes a consensual objective only in appearance, because the policies carried out in its name can “forget” the vulnerabilities linking human and environmental realities, in particular, by neglecting the induced consequences. on other actors: professionals in social intervention and also, “receivers” of aid, users of services, inhabitants of the territories experienced on a daily basis. This is how a policy of planning services on the scale of an abstract territory comes into tension with mobility and the history of links built in lived territories. The article calls for placing these lived territories at the heart of solidarity policies.
This article draws on the results of Franco-Quebec research on home help and services for seniors (Ficopsad ANR FQRSC 2016-2022), based on collection between 2016 and 2018 of 170 interviews using the “cross-views” method in four regions (two in France, two in Quebec), with seniors and caregivers, employees, executives.

Keywords: lived territories, aging, home services, Franco-Quebec research.

Introduction

Le présent article interroge la dimension territoriale sous l’angle d’une question particulière : celle du vieillissement démographique en France et au Québec. Face à ce défi majeur pour les solidarités tant, publiques que privées, les politiques macrosociales visent à transformer les sociétés humaines suivant des modèles souvent abstraits et partiels du territoire. Or, le territoire n’est pas que démographique, géographique, ni administratif, mais il est un espace social complet : politisé, gouverné, différemment approprié et transformé par divers acteurs aux échelles méso et microsociales. Parmi les changements conduits, impulsés par des décideurs, la lutte contre les inégalités constitue un objectif consensuel en apparence seulement, car diverses politiques publiques menées en son nom peuvent “oublier” des vulnérabilités liant les devenirs humains et environnementaux, notamment, en négligeant les conséquences induites sur les acteurs au niveau microsocial : professionnels de l’intervention sociale, “récepteurs” des aides, usagers de services, habitants des territoires vécus au quotidien.

Pour développer et illustrer cette idée, la démarche présentée mobilise les résultats d’une recherche franco-québécoise sur l’aide et les services à domicile auprès des aînés (Ficopsad[1] ANR FQRSC 2016-2022), fondés sur la collecte entre 2016 et 2018 de 170 entretiens par la méthode des “regards croisés” dans deux régions en France et deux régions au Québec, auprès d’aînés et de proches aidants, de salariés, de cadres. Dans ces territoires aux caractéristiques démographiques et socio-économiques diversifiées, l’analyse s’attache à saisir les effets des récentes réformes politiques sur la fourniture de services aux personnes âgées (ou aînées) en France et au Québec. Au Québec, la réforme centralisatrice de 2015 vise en effet à regrouper et fusionner les organismes au sein de grands Centres intégrés de santé et services sociaux (CISSS) ou Centres intégrés universitaires de santé et de services sociaux (CIUSSS). Menée au nom d’une logique politique de recompositions de l’organisation territoriale du secteur sanitaire et social, cette réforme promeut des objectifs gestionnaires (Jetté & Lenzi, 2020) mais aussi, l’égalité de traitement entre les habitants-citoyens en harmonisant (uniformisant) les services offerts dans les territoires, suivant une logique de prévention des risques construite sur la base de projections démographiques et financières.

Dans la première partie, il sera fait un retour sur les caractéristiques des territoires concernés, au regard de la double question des inégalités et des vulnérabilités à l’épreuve des défis démographiques. Cette présentation vise à souligner l’écart entre le “territoire abstrait” des politiques (macro)sociales d’une part et le territoire réel, vécu par les acteurs dans leur vie quotidienne. L’impact des réformes sur les territoires vécus sera ensuite interrogé à partir de deux exemples.  Le premier reviendra sur la recentralisation, concomitante au Québec d’une fusion des structures dont les effets sur les professionnels et les usagers et usagères des services à domicile seront interrogés. Le deuxième exemple portera sur les enjeux d’une programmation voulue plus égalitaire des moyens venant toutefois heurter, sur le territoire rural de la Mauricie au Québec, l’histoire longue des liens sociaux et des solidarités humaines tissées à l’échelle des territoires vécus.

Encadré méthodologique

Ficopsad, est un acronyme désignant une recherche franco québécoise ANR/FQRSC qui s’est déroulée entre 2016 et 2022 coordonnée par Maryse Bresson (pour l’ANR-équipe France) et Christian Jetté (pour le FQRSC-équipe Québec) avec cinq sous-équipes pilotées par Maryse Bresson (équipe Printemps-UVSQ, avec également Dominique Argoud et Séverine Mayol), Elisabetta Bucolo (équipe Cnam-Paris), Catherine Lenzi (équipe IREIS/ENSEIS Rhône Alpes, avec David Grand et Maks Banens), Lucie Dumais (équipe Université du Québec à Montréal), Christian Jetté (équipe Université de Montréal), avec aussi Yves Vaillancourt, Audrey-Anne Dumais Michaud, Stéphanie Ethier.

Le présent article repose sur une collecte des données fondée sur les monographies de quatre territoires (deux en France, deux au Québec), nourrie notamment de données socio-démographiques et d’entretiens individuels et en groupes (focus groups) réalisés par des binômes de chercheurs franco-québécois. Soit, 45 entrevues en Mauricie ; 41 entrevues à Montréal ; 50 entrevues à Versailles ; 35 entrevues dans La Loire.

Les entretiens ont été réalisés auprès de divers acteurs impliqués dans le secteur des services à domicile pour les personnes âgées : usagers, proches, travailleurs sociaux, et autres intervenants cadres et élus. Ces données ont été complétées par le recueil et l’analyse de données sociodémographiques tirées, au Québec, des recensements de 2006 et 2016 de Statistique Canada, statistiques du Ministère de la santé et des services sociaux (MSSS) ; en France, de données des Recensements-INSEE 2006 à 2016, DGFiP-Cnaf—Cnav-Ccmsa, enquêtes Aide sociale-DREES 2016-2017.

Les politiques sociales face au défi du vieillissement : quelle gestion des vulnérabilités et asymétries territoriales ?

Les politiques sociales correspondent à un ensemble de mesures relevant de la puissance publique, mises en œuvre par des institutions privées ou publiques, avec l’objectif d’intervenir sur les problèmes et menaces qui pèsent sur la régulation sociale — cette régulation pouvant elle-même être définie comme la coexistence organisée et coordonnée d’individus, de groupes et de territoires souvent inégaux, avec des intérêts divergents voire contradictoires. L’intervention sociale désigne les grands systèmes de protection sociale, aux niveaux national et supra national et aussi, diverses structures d’aide et d’action sociales déployées à diverses échelles par les travailleurs sociaux, les salariés de divers métiers de l’accompagnement et les bénévoles.

Dans cette partie, nous montrerons d’abord que les territoires d’intervention sociale ne sont ni des territoires objets ni même, des objectifs de politiques publiques mais des lieux divers, complets et complexes, incluant des territoires vécus. Nous questionnerons ensuite la manière dont ces territoires vécus s’approprient (ou non) diversement les grandes réformes menées dans ces dernières décennies.

Les territoires de l’intervention sociale : une question politico-administrative complexe

Lorsqu’elle s’interroge sur un défi sociétal comme le vieillissement démographique, une des premières questions qu’une équipe de chercheurs en sciences humaines et sociales doit trancher est celle de l’échelle d’analyse : supranationale, nationale ou locale. Ces niveaux sont cependant imbriqués et en eux-mêmes, des enjeux des réformes en cours. Dans la présentation du dossier de la revue SociologieS en 2014 intitulée : “Les échelles territoriales de l’intervention sociale : enjeux et défis d’une mutation profonde”, nous avons souligné que l’affaiblissement relatif de l’Etat nation au profit du global (la mondialisation), du régional, ou du local transforme la prise de décision et les objectifs des politiques sociales. Ceci produit des conséquences d’une part, sur les contenus d’activité des professionnels du social, d’autre part sur les droits et vécus des personnes diversement désignées, selon les structures et dispositifs, comme public, ayant droit, usagers, clients, bénéficiaires ou habitants (Bresson & Messu, 2014).

Le territoire ne saurait s’entendre seulement au sens géographique, d’espaces dans laquelle l’intervention sociale se déploie. En effet l’espace géographique est toujours aussi politiquement, administrativement délimité par des frontières, elles-mêmes définies comme la zone d’influence ou de compétence de décideurs politiques. De plus, le territoire désigne aussi les habitants vivant dans cet espace et leurs activités concrètes, économiques, sociales, elles-mêmes inscrites dans une histoire longue ou des transformations plus récentes. Le territoire vécu a également une dynamique propre, liée aux mobilités. En ce sens, la question des territoires vécus n’est elle-même pas univoque à cause des significations “abstraites” ou “concrètes”, plurielles et intriquées pour les différentes catégories d’acteurs.

L’idée de territoire vécu de l’intervention sociale renvoie à l’échelle locale, mais à condition de rappeler que la définition du terme “local” n’est pas la même selon les pays, et selon les politiques publiques : se situant selon les cas au niveau de la commune, du canton, de l’intercommunalité, du département, de la région, des “comtés”, des “quartiers” voire, d’un bloc d’immeubles. De plus, la nation reste l’échelle de référence pour les politiques publiques, comme l’illustrent encore les expressions “infra” et “supra” national.

Ainsi, le déclin de l’État-nation-providence comme image emblématique constitue un défi surplombant, qui nourrit les débats depuis plusieurs décennies. Par ailleurs, il y a toujours eu d’autres échelles territoriales avec un rôle important. Le Québec, province du Canada, abrite 11 nations autochtones et les débats pour réformer la constitution ou sur l’indépendance se succèdent en politique depuis les années 1960. Depuis les années 1980-1990 et jusqu’aux années 2000-2010, le mouvement de décentralisation qui s’observe en Europe (Italie, Belgique, Suisse, etc.), prend la forme d’un transfert de compétences des autorités étatiques vers les collectivités locales. La politique de la ville, le développement social urbain ou rural favorisent la réorganisation de l’action publique via un découpage territorial. Les politiques publiques se transforment en même temps par la diffusion des principes de la “nouvelle gestion publique”, qui s’imposent au nom de la nécessaire adaptation à la mondialisation et la libéralisation des échanges. Les secteurs public et privé sont mis en concurrence dans le cadre d’un “quasi marché”, qui prend pour modèle les impératifs d’efficacité et de qualité du secteur privé (Bellot et al., 2013). Pour la France, ces évolutions sont portées à l’échelle supranationale européenne.

Cette rapide mise en contexte est essentielle pour saisir les transformations du secteur de l’intervention sociale. Elle doit cependant être complétée pour saisir les configurations complexes par lesquelles se recomposent aujourd’hui les hiérarchies des acteurs décisionnaires (publics, privés) et, également, les niveaux et les formes d’intervention sociale. De ce point de vue, notre recherche menée en France et au Québec confirme que le secteur des politiques sociales de la vieillesse, dans les deux territoires étudiés connaît aujourd’hui des mouvements de recentralisation, confirmant ainsi une thèse déjà énoncée par de nombreux observateurs (Bresson & Vaillancourt, 2020).

En France, pourtant, les vagues de décentralisation ne sont pas officiellement terminées. Les réformes de décentralisation ont en effet promu un “pouvoir local”. En 1982-1983, la promulgation des premières lois (désignées comme “l’acte I” de la décentralisation), ont d’abord bénéficié à une division territoriale particulière à savoir, les départements. Il s’agit d’un découpage territorial qui date de la Révolution française avec la création, dès 1789, d’une centaine de subdivisions infranationales. Puis, en 1871, une loi a institué dans chaque département l’élection au suffrage universel d’une assemblée disposant d’un pouvoir de délibération. Depuis les lois de décentralisation en 1982, au nom principalement de l’argument de proximité, le département est en charge de l’Aide sociale légale — à savoir les prestations d’assistance obligatoire, qui représentent plus de 10% des dépenses sociales. Á l’occasion du “tournant néolibéral” (Jobert, 1994) la mise en concurrence entre secteur public et secteur privé prend la forme d’incitations à se porter candidats à l’attribution de marchés publics sur contrats. L’étape suivante de la décentralisation (dite “acte II ”) se déroule dans les années 2002-2003 : dans la continuité apparente du premier acte, le département est intronisé comme “chef de file” de l’Aide sociale, faisant émerger l’image d’un “département providence” (Lafore, 2013). Divers rapports dénoncent cependant régulièrement le coût du “millefeuilles” administratif français, mouvant et difficilement compréhensible même pour ses acteurs (Marre, 2009). Aussi, en 2014, une nouvelle étape de la décentralisation désignée comme “l’acte III” prévoit de supprimer les départements, au double motif de réduire les dépenses publiques et de simplifier l’organisation globale des administrations territoriales. Pour la même raison, il est annoncé la réduction (par regroupement) du nombre de régions, ainsi que le développement de l’échelon intercommunal ou de l’agglomération. Toutefois cette réforme n’a pas pu aboutir, à cause des nombreuses résistances et interrogations — en particulier, la suppression des départements annoncée nécessiterait de réviser la constitution, ce qui n’a pas encore pu être réalisé à ce jour. L’histoire de la décentralisation n’est donc pas un processus linéaire mais elle est le produit de mouvements de va-et-vient. La territorialisation (dans le cadre de la “politique de la ville” par exemple) est une politique concomitante mais différente, qui combine deux facettes : d’une part, des dispositifs partenariaux réunissant les acteurs publics et privés d’un même territoire (grandes conférences ou tables de concertation, dans les quartiers “sensibles” par exemple) ; d’autre part, de traiter les problèmes identifiés au niveau territorial selon un découpage par secteurs géographiques plutôt que par secteurs de l’administration.

La complexité et l’incertitude sur les découpages de territoires en matière d’intervention sociale ne sont pas l’apanage de la France. Historiquement le Québec a longtemps été présenté comme très décentralisé. De fait, une intervention sociale de proximité, dite “communautaire” qui est issue d’une mobilisation de citoyen(ne)s et qui offre un large éventail de services à des communautés de quartiers ou des catégories de populations défavorisées ou dépourvues de ressources. Le 19 juillet 1971 est créé au Québec le réseau des Centres locaux de services communautaires (CLSC), dont l’approche privilégie le travail en équipe multidisciplinaire afin d’obtenir un impact sur ce que nous appelons ici les territoires vécus incluant l’individu et aussi sa communauté. Les politiques favorisant ainsi l’échelon local prônent la concertation et le partenariat, en appui sur des agences régionales (LMRSSS) d’une part, sur la mobilisation des acteurs locaux au bénéfice de leur territoire d’autre part.  Cependant, ce mouvement, longtemps vu comme précurseur et symbole d’une “avance” du Québec en matière de pouvoir local, s’inverse.

Ainsi, en 2015, une nouvelle structure du réseau de la santé et des services sociaux est créée (Gouvernement du Québec, 2015). Loi modifiant l’organisation et la gouvernance du réseau de la santé et des services sociaux. Le changement passe notamment par l’abolition des agences régionales . Lorsque nous avons mené notre enquête (en 2017-2018), nos territoires de référence étaient les 13 Centres intégrés de santé et services sociaux (CISSS) et 9 Centres intégrés universitaires de santé et de services sociaux (CIUSSS), chargés d’organiser les services de santé à la population à une échelle plus éloignée — cet éloignement résultant de la fusion des centres locaux de services communautaires (CLSC), avec différentes autres structures sociales et de santé : les centres d’hébergement et de soins de longue durée (CHSLD), les centres hospitaliers, les centres de réadaptation. Par ailleurs, suivant un autre découpage toujours en vigueur du ministère de la santé et des services sociaux, le territoire du Québec est divisé depuis 1971 en régions socio-sanitaires (RSS) — passées de 12 à l’origine à 18. Une autre subdivision distingue encore 22 réseaux territoriaux de services (RTS) et 93 réseaux locaux de services (RLS), généralement inclus au sein d’un RSS et d’un RTS (sauf pour quelques régions particulières). C’est comme subdivision des RLS que se situent 166 territoires de CLSC. Les RLS constituent par ailleurs la brique de base de quatre réseaux universitaires intégrés de santé (RUIS).

La superposition de sigles et les changements fréquents du nombre de territoires illustrent l’idée de territoires “abstraits” que nous distinguons, dans cet article, des territoires “vécus”. Pourtant, les CISSS/CIUSSS ont aussi une réalité et des impacts concrets ; ce sont des structures administratives qui organisent le secteur sanitaire et social et les services délivrés sur ces zones territoriales. Par ailleurs, le territoire d’intervention sociale est d’abord le cadre de référence de la mise en œuvre (ou de l’absence de mise en œuvre) des mécanismes de solidarité qui peuvent être eux-mêmes parfois abstraits ou au contraire, pleinement concrets et intégrés au vécu des personnes qui y vivent.

A ce stade de notre analyse, nous soulignerons encore l’ambivalence des réformes : la montée en puissance des “territoires” locaux a longtemps été encouragée par des politiques impulsées à l’échelle mondiale et relayées à l’échelle européenne et nationale (ou provinciale, au Québec). L’objectif annoncé est de répondre “plus efficacement” aux besoins des populations grâce notamment, aux vertus supposées de la proximité territoriale. Cependant, les nouveaux acteurs territoriaux ne sont pas nécessairement proches des territoires vécus. La définition à l’échelle locale de priorités différentes dans l’offre de services peut contribuer à une montée des inégalités. Combinées aux transformations impulsées dans le cadre de la Nouvelle Gestion Publique, ces évolutions interrogent sur le sens de l’action publique menée. Mais le défi démographique du vieillissement est relevé par des décideurs qu’on ne saurait nullement caractériser par la passivité. Il l’est aussi par des acteurs de terrain pluriels : travailleurs sociaux, professionnels et bénévoles, citoyens, usagers, habitants qui mobilisent diverses formes d’action collective en s’appropriant (ou non) les orientations données par les “décideurs”.

Les territoires vécus de l’intervention sociale : diversité démographique et tissus de solidarités concrètes

Si elle peut sembler à bien des égards trop simplifiée, l’opposition entre des territoires politico-administratifs “abstraits”, constamment remodelés et réformés d’une part ; et les territoires “vécus” par les acteurs constitue une clé d’analyse féconde, comme l’illustre un ouvrage collectif intitulé Politiques publiques, professionnels et usagers à l’épreuve de l’incertitude territoriale (Bresson et al., 2015). C’est aussi une grille de lecture qui est mobilisée par les acteurs.

Ainsi, la décentralisation et la territorialisation ont été d’abord présentées par les “décideurs” politiques comme des manières de surmonter les limites des politiques publiques nationales antérieures et de repenser plus efficacement l’enjeu du “vivre ensemble”, en partant des besoins et des attentes de la population sur un territoire. Cependant il convient de mettre à distance les discours de légitimation politique et leurs partis-pris. Si toutefois l’analyse scientifique reprenait sans les questionner, les catégories administratives reconnues, l’usage du terme territoire ne s’affranchirait pas assez des classements politiques. En particulier, ces classements ne rendent pas compte des tensions, des conflits. Pourtant, le territoire ne peut être supposé a priori comme un lieu apaisé, puisqu’il est au contraire susceptible d’être redécoupé, discuté et mis en cause.

L’expression territoire vécu, renvoie précisément à la pluralité des manières dont les acteurs (politiques, professionnels et usagers-habitants-citoyens) s’organisent en se réappropriant leur espace d’action et de vie. Autrement dit, le territoire ne désigne pas une réalité stabilisée mais plutôt un édifice construit et toujours en partie au moins, instable. C’est pourquoi le regard sociologique, selon la distinction d’Henri Lefebvre, se porte davantage sur les espaces vécus et leur mode d’appropriation que sur les espaces conçus par l’ordre politique (Lefebvre, 2000).

C’est en ayant attiré l’attention sur ces éléments d’analyse que nous allons présenter maintenant les caractéristiques concrètes des territoires de notre étude : en revenant d’abord, sur leurs caractéristiques démographiques avant de resituer, du point de vue des populations, l’accès aux dispositifs d’aide sociale et à l’offre de services sociaux (notamment, à domicile).

Dans la recherche ANR/FQRSC Ficopsad (2016-2022), l’analyse porte plus précisément sur deux territoires couverts en France : le département des Yvelines en Ile-de-France (avec un focus particulier sur la ville de Versailles) et le département de la Loire (en particulier, la ville de Saint-Etienne et le canton rural de Bonnet).

D’emblée cependant, ce choix interroge les présupposés méthodologiques de la recherche, en même temps qu’il met en lumière la diversité des configurations territoriales autant que les limites des oppositions binaires (comme, rural/urbain). La logique de départ en effet était de trouver en France comme au Québec un territoire urbain (francilien) et un territoire rural. Mais pour pouvoir comparer, il fallait aussi choisir des territoires comparables en France et au Québec et également, des territoires d’intervention sociale — ce que représentent dans la logique politico-administrative, les départements en France, maîtres d’œuvre des politiques de vieillesse depuis la décentralisation (Argoud, 2007, 2010). Factuellement, la population des Yvelines compte 1,44 millions d’habitants pour une superficie : 2 284 km2 et une densité de population de 631 habitants/km2. Par différence, le département de la Loire et l’agglomération de Saint-Etienne comptent une population de 763 441 habitants (Insee 2021) pour une superficie de 4 780,6 km2 et une densité de population de 159,6 habitants/km2. À l’échelle des départements, il s’agit toutefois de moyennes qui incluent en France, les villes (comme la ville ouvrière de Saint-Etienne) aux territoires ruraux environnants et, également, les parties rurales du département des Yvelines.

C’est pourquoi, dans notre recherche (Ficopsad), les territoires couverts au Québec sont beaucoup plus différenciés. Le territoire rural couvre une partie du territoire du Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux (CIUSSS) de la Mauricie-Centre-du-Québec. Il compte une population de 266 112 habitants et une superficie de 35 400 km2 en Mauricie, pour une densité de population de 7,8 habitants/km2 (à comparer aux 159,6 habitants/km2 du département de la Loire, en France). Quant au territoire “urbain” du Québec, il s’agit du Territoire du Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux (CIUSSS) du Centre-Sud-de-l’Ile-de-Montréal, regroupant une population de 308 000 habitants sur une superficie de 46 km2 — soit, une densité de population elle-même comprise entre 5 000 à 12 800 habitants/km2 selon les arrondissements (bien différente des 631 habitants au km2 du département des Yvelines mais, plus proche des 3 239,4 km2 de densité de la ville de Versailles, en 2019).

Ces remarques introduisent la question des inégalités territoriales face à l’enjeu du vieillissement. Par ailleurs, le travail de Maks Banens souligne l’importance des mobilités, parfois négligées dans l’analyse (ANR Ficopsad, 2022)[2] . Ainsi en France, alors que les réponses politiques s’organisent à l’échelle départementale, du point de vue des populations et pour caractériser le défi démographique, il ressort de nos analyses la spécificité des villes au sein de chacun des départements. Ainsi dans le département des Yvelines, la ville de Versailles a une proportion moyenne de 75+ ans de 9% (semblable à la moyenne en France : 9%). Mais il s’agit d’une population âgée homogène, aisée. La ville n’a pas connu de choc démographique dans le passé et par ailleurs, elle a accueilli des mobilités sélectives vers le haut, modestes mais constantes. Par contraste, la ville de Saint-Etienne, dans le département de la Loire compte une proportion très élevée de 75+ ans : 13% (France : 9%). Il s’agit d’une population âgée homogène, populaire et classes moyennes. La ville n’a pas non plus connu (contrairement aux zones rurales environnantes) de choc démographique dans le passé. Toutefois la situation socio-économique est dégradée par le départ net de jeunes futurs diplômés, composant un flux modeste mais constant, récemment atténué voire stoppé.

Si l’on élargir maintenant à la partie rurale du département de la Loire, le canton de St-Bonnet le Château compte une proportion moyenne de 75+ ans de 9 % (comme la moyenne en France : 9 %). Il s’agit d’une population âgée homogène, populaire, qui n’a pas connu de choc démographique dans le passé mais a subi toutefois un départ net de (futurs) diplômés, récemment inversé sous l’influence de St-Etienne et la Plaine du Forez.

En termes de défi pour les politiques, on observe alors que le département le moins prospère (la Loire) gère trois fois plus de dépendance par habitant que le département le plus prospère (les Yvelines) et cet écart s’explique par les mobilités passées et actuelles. Ainsi la mobilité est capable de créer des inégalités territoriales de dépendance qui dépassent celles créées par le vieillissement (au sens d’augmentation de l’espérance de vie et de baisse de la natalité) et la chute du nombre d’enfant par personne âgée. Dans la mesure où la mobilité ne cesse d’augmenter, ses effets sur la dépendance et sa prise en charge s’imposent comme un enjeu majeur. Par ailleurs les habitants “vieillissants” sont définis pour cette raison comme vulnérables : mais ils ne sont pas tous pauvres, en particulier dans la ville de Versailles. Ils ne sont pas non plus nécessairement sans ressources financières, matérielles ni sans liens sociaux. En revanche les inégalités internes au territoire, les différences d’accès aux mobilités, aux structures dites de “prise en charge”, à l’offre de service, contribuent à modeler et transformer les territoires vécus.

Les territoires vécus croisent ces questions de mobilités, d’inégalités socio-économiques, et de vulnérabilité avec une certaine offre de services. Le secteur des services à domicile SAD est défini par son rapport au territoire puisqu’il s’agit d’interventions et de services “amenés” à domicile et qui permettent aux bénéficiaires de rester dans leur lieu de vie au quotidien (parfois au prix cependant de sacrifices importants pour leurs proches). Ce constat s’observe dans les différences de configurations selon les pays et aussi, à l’intérieur de chacun d’eux.

Au Québec, on a vu déjà que le domaine des services à domicile auprès des aînés est organisé sous la responsabilité de l’Etat provincial et incarné par les CIUSSS, au niveau local par le CLSC et le travail d’un intervenant pivot en mobilisant de nombreux acteurs privés, familiaux et associatifs. Le secteur public est mobilisé y compris dans la production de services.

Les acteurs “concrets” rencontrés dans les territoires vécus sont ainsi pour le secteur public : le centre intégré (universitaire) de santé et de service sociaux (CIUSSS/CISSS), volet CLSC ; mais aussi, pour le secteur marchand : des agences privées, des travailleurs autonomes employés via le chèque emploi-service ; pour le secteur de l’Économie sociale et solidaire : des entreprises d’économie sociale en aide à domicile (EESAD) ; pour l’action communautaire autonome : des organismes communautaires (CAB), en charge de la popote roulante, du répit, du gardiennage, du transport, de visites d’amitié, etc. ; et également, pour le secteur domestique : des proches aidants et personnes âgées en perte d’autonomie.

En France des acteurs similaires et pourtant, différents dans l’organisation comme dans les responsabilités se croisent aussi au sein des territoires vécus de l’intervention sociale à domicile auprès des aînés soit, pour le secteur public : des acteurs souvent mal connus des publics comme le Conseil départemental, l’agence régionale de santé et aussi, considérés comme historiquement plus proches des bénéficiaires, la commune ou le centre communal d’action sociale CCAS. L’économie sociale et solidaire prend ici la forme d’associations, de mutuelles voire, de coopératives (comme la SCIC de Versailles). Plus ou moins développé selon les territoires, le secteur marchand occupe une place significative à Versailles par exemple, sous forme d’agences privées, d’agences, ou d’entreprises commerciales (comme Petits-fils), ou de gré à gré (chèque emploi service universel dit CESU, en perte de vitesse toutefois depuis 2011 après que la loi Borloo ait favorisé le développement du secteur privé).

Sur les territoires, les structures qui produisent ces services à domicile sont diverses, et les coûts de ces services sont diversement pris en charge suivant les situations familiales mais aussi les configurations locales. Selon les territoires, de nombreux acteurs publics et privés, associatifs et lucratifs sont mobilisés. La production de service est largement déléguée à des acteurs locaux qui ne sont pas les mêmes selon les territoires -ce qui se traduit concrètement par des formes de prise en charge et d’accompagnement variables, inégales, correspondant à des vécus eux-mêmes inégaux et divers pour les usager.es. Ainsi Florence Weber, Loïc Trabut et Solène Billaud dans Le salaire de la confiance, soulignent le “désordre institutionnel” en France que représente selon eux, la coexistence de trois modèles par ailleurs souvent méconnus ou mal identifiés par les acteurs : le modèle domestique, le modèle sanitaire, le modèle social-industriel (Weber et al., 2014).

Pourtant, au niveau des territoires vécus, les services ainsi délivrés, financés en partie par la solidarité publique sont pour les personnes âgées “en perte d’autonomie”, une condition pour pouvoir rester chez elles : ce qui fait d’elles des personnes usagères, selon les cas “bénéficiaires” de services sociaux et aussi, dans la mesure où les professionnels viennent leur apporter ces services à leur domicile, des “donneurs (ou donneuses) d’ordre”.

En parallèle, l’intervention au domicile, constitue un contexte spécifique pour l’intervenant social professionnel qui souvent (sauf dans le cas particulier des chèques emploi service) réalise son travail en dehors de la structure qui les emploie (administration publique ou secteur associatif le plus souvent), produisant diverses formes d’isolement professionnel, afin d’offrir le “meilleur” accompagnement aux personnes âgées (Avril, 2014).

C’est donc dans ce contexte, que nous allons maintenant examiner, à l’échelle des territoires vécus la combinaison des vulnérabilités et des politiques d’offre de service qui s’expriment parfois au nom des impératifs égalitaires. Il s’agit d’illustrer au niveau des territoires vécus étudiés comment se combinent, à l’épreuve du vieillissement, d’une part les héritages complexes de l’histoire socio-économique, des mobilités démographiques, d’autre part les initiatives des acteurs et l’impact des réformes.

Recentralisation, fusion des dispositifs et programmation des services : quand les décideurs “oublient” les territoires vécus et leurs acteurs

Les territoires vécus à l’épreuve de la recentralisation et des fusions

Parmi les éléments de contexte qui façonnent les territoires de l’intervention sociale, la décentralisation/recentralisation constitue en France comme au Québec un mouvement historique long, fait de va et vient, sur la durée. Dans un chapitre co-écrit avec Y. Vaillancourt, nous avons mis en évidence qu’il existe en France et au Québec un mouvement de recentralisation des politiques sociales (Bresson & Vaillancourt, 2020).

Aussi, nous identifions comme sous-périodes depuis les années 1990 : 15 ans d’âge d’or et 15 ans de “freinage” de la décentralisation ou de recentralisation ; alors que depuis 15 ans, la seconde période a ouvert moins de possibilités, notamment au Québec. Ce mouvement de recentralisation des deux dernières décennies a été plus fort et davantage opérationnalisé au Québec qu’en France. Certes, en France, on a assisté à des fusions des régions en 2016, ce qui va dans le sens d’une certaine centralisation.  En outre, il ressort que l’avenir des départements demeure incertain et qu’une partie des décideurs souhaiteraient qu’ils soient absorbés par les autres collectivités. Enfin, diverses fusions ont eu lieu notamment, entre les services dans les domaines du vieillissement et du handicap, regroupés sous l’enjeu partagé (et contesté) de la dépendance. Pour autant, en 2019, les départements sont toujours là et la menace de leur disparition rapide semble même s’éloigner. Les régions et les départements demeurent toujours dirigés par des milliers de personnes élues par les citoyens et citoyennes de leur territoire. En outre, en vertu de la Loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale (Loi n° 2002-2, 2002), les conseils départementaux doivent élaborer des “schémas” quinquennaux dans lesquels ils planifient leurs politiques concernant les personnes aînées et handicapées sur leurs territoires. En dépit de certains reculs, d’importants acquis de la décentralisation sont maintenus dans les collectivités territoriales et les services aux personnes âgées et aux personnes en situation de handicap sont encore souvent différenciés.

Au Québec, les secteurs de la santé et du social sont depuis longtemps fusionnés. Les organismes publics locaux du réseau SSS qui s’occupaient des politiques de service à domicile ont été d’abord transformés en agences soumises à l’État central, puis supprimés, ce qui fait qu’il n’y a plus d’élus régionaux qui prennent des décisions dans le domaine. Au niveau local, on a assisté à des méga-fusions qui ont donné les CISSS et les CIUSSS et ces nouveaux méga-établissements publics locaux ne comprennent plus d’élus dans leurs conseils d’administration, mais seulement des gestionnaires nommés par l’État québécois. Ces nouveaux établissements ne sont pas responsables de l’élaboration des politiques sociales concernant leur territoire mais sont d’abord et avant tout mandatés pour appliquer les politiques élaborées par l’État québécois. Les CLSC existent toujours au plan local mais désormais sans pouvoir de gouvernance, ils sont inféodés aux directions des CISSS et CIUSSS.

Dans le cadre de ce mouvement de recentralisation et de dérégionalisation des années 2000 et 2010 plus poussé qu’en France, les CISSS et les CIUSSS sont donc devenus les principaux responsables locaux de l’organisation des services à domicile. Sur le plan de la fourniture des services, les directions des CISSS et CIUSSS font appel de manière importante à leurs propres ressources humaines (infirmières, travailleuses sociales, ergothérapeutes, auxiliaires familiales, employés de soutien…). Mais pour la fourniture de services à domicile, les directions d’établissements locaux favorisent la co-production des services par des acteurs non étatiques et non publics. De fait, en France comme au Québec, l’organisation de la production des services mise sur la participation d’une diversité d’acteurs. Il en résulte que la configuration concrète du partage de responsabilités dans le Welfare Mix peut varier considérablement en fonction des traditions, des données socioéconomiques et démographiques, des mouvements sociaux, des orientations politiques des élus et fonctionnaires.

Cet ensemble de profondes mutations du secteur se traduisent dans nos enquêtes menées en 2017/2018 en France et au Québec, par un sentiment de vulnérabilité exprimé à l’échelle des territoires vécus par des acteurs, manifestant leur inquiétude voire, leur opposition aux conséquences des politiques de recentralisation et de fusion des dispositifs. Ainsi, nous avons pu assister à quelques mois d’intervalle le déploiement, au déploiement au sein des locaux du département des Yvelines en France, de grandes banderoles visant à rappeler l’attachement des personnels au département et l’utilité de ce dernier ; alors qu’au Québec, fleurissent sur les routes et aux abords des structures sociales de nombreuses pancartes sur lesquelles il était inscrit : “mon CLSC, j’y tiens” afin d’exprimer la crainte que ne disparaisse, à l’occasion des fusions, les anciens centres locaux de services communautaires.

Lorsqu’ils évoquent les politiques de fusion et de réforme territoriale, les acteurs interviewés sur le terrain, soulignent aussi le côté kafkaïen de la nouvelle organisation, comme l’illustre la citation suivante (à propos du CIUSSS) : “C’est rendu une énorme structure très difficile à côtoyer. Souvent on peut parler à 18 personnes avant de savoir quelle est la bonne référence.  Et il y a toute la mentalité qui est différente… Et c’est tellement gros.” (Une ancienne directrice du centre d’action bénévole Shawinigan, avril 2018).

Quant aux professionnelles, beaucoup expriment aussi dans nos enquêtes un sentiment de dépossession de sens et/ou d’isolement professionnel.

L’aide sociale et les services à domicile aux personnes âgées composent un monde professionnel particulier. La fonction des aidant.es (aides à domicile, préposé.es) est de favoriser le maintien à domicile de la population âgée en aidant la réalisation d’actes de la vie courante. Concrètement ces activités comprennent souvent le ménage, les courses, la cuisine et peuvent aussi s’étendre à l’aide à la toilette ou encore, aux démarches administratives (Avril, 2014). Les services à domicile qui permettent aux bénéficiaires de rester “chez elles” participent toutefois d’une forme de recul de l’institution et du travail en établissement. Ainsi, les professionnelles à domicile n’ont pas d’espace de travail à elles ni même, souvent, de salle commune pour se réunir :

[Pouvez-vous décrire une journée type, habituelle ?] Je fais les appels les plus urgents, 2 interventions téléphoniques. Je vois mes rencontres. [À domicile ?] Oui : au moins 2 par jour, ce qui est demandé comme statistique. Et des réunions d’équipe une fois par mois. [Vous faites vos visites toute seule ?] Oui. (Lucie, Technicienne de Travail social, CIUSSS, Mauricie, avril 2018)

Notre enquête confirme l’isolement professionnel des aidant.es à domicile, alors que leur mission est, paradoxalement, de prévenir la solitude et l’isolement des personnes à domicile. Au Québec comme en France, l’organisation de leur journée de travail présente deux caractéristiques importantes : i) Premièrement, les horaires d’intervention des aides à domicile sont fortement contraints. En effet, les professionnelles doivent respecter l’heure d’arrivée fixée par leur contrat et ne peuvent repartir qu’une fois leur durée d’intervention prévue terminée ; ii) Deuxièmement, leurs interventions (4 à 5 par jour) se déroulent à des moments de la journée éloignés : tôt le matin, le midi et le soir, aux heures des repas. Le milieu d’après-midi constitue ainsi un “creux” d’activité. De ces caractéristiques il résulte que les aides à domicile sont en “sous-emploi” tout en ayant des journées de travail de forte amplitude. La plupart des aides à domicile n’ayant pas les moyens de rentrer chez elles pendant les “creux”, attendent chez les personnes âgées ou se promènent à proximité. Ces caractéristiques provoquent un isolement au travail.

Ainsi, l’interaction avec les pair.es et aussi, les responsables se résume à un planning reçu de la part d’un responsable de secteur qu’ils (elles) ne voient jamais. Même lorsque des collègues opèrent dans la même zone, elles ne se croisent pas forcément et n’ont pas d’endroit pour échanger en dehors des espaces publics voire, des cafés. L’isolement se combine au manque de reconnaissance de leur travail de la part des bénéficiaires qui les considèrent comme des aides ménagères, cependant que leur hiérarchie ne leur donne pas voix au chapitre (Avril, 2014).

Si l’isolement au travail n’est pas une réalité nouvelle, au Québec, la réforme de 2015 est cependant largement perçue comme un facteur d’aggravation de la vie au travail, comme l’illustre le témoignage ci-dessous d’une autre technicienne de travail social, se plaignant des nombreux départs de collègues dans un contexte fortement dégradé selon elle :

[Pourquoi vous, vous restez ?] Moi j’aime ma clientèle, je ne suis pas tannée. Pendant 3 ans on a eu beaucoup de changement, ça a été difficile, on n’a plus le sentiment d’appartenance à une équipe. Même [la responsable intermédiaire], elle est une-demi-journée à ST, une demi-journée à M., on va par texto pour la joindre ! Ce gros bateau du CIUSSS…  Le sentiment d’appartenance est moins là. La boss, elle est moins accessible et on la comprend. On ne peut pas jaser [trad. : discuter]. (Sandra, Technicienne de Travail social, CIUSSS, Mauricie, 26 avril 2018)

D’après ce témoignage, le sentiment de manque de soutien de la part de la hiérarchie et l’insuffisante communication avec l’encadrement complique la résolution des problèmes, confrontant les intervenantes à la nécessité de réaliser elles-mêmes des arbitrages. La rareté des espaces-temps collectifs réduit les possibilités d’échanges de pratiques, d’expériences et le partage de connaissances. Or, ces effets sont directement liés au rapport au territoire vécu, qui a lui-même été transformé par les réformes de centralisation/fusion à travers l’augmentation considérable des territoires à couvrir :

[Vous vous sentez reconnue, écoutée ?] Jusqu’à un certain point. Des fois, j’ai l’impression que les boss décident sans voir ce que c’est sur le terrain. Par ex un client à distance, 1h 1/2 entre les deux, c’est pas pris en compte… A Shawiningan, on a 2 visites aussi ! [Ça fait combien d’heures de transport à peu près ?] 10 rencontres par semaine, 5/6h… c’est beaucoup. Certains jours, on a 2h facile.
(Lucie, Technicienne de Travail social, CIUSSS St Narcisse, Mauricie, avril 2018)

Ainsi, les réformes menées dans un cadre général de recentralisation/fusion, croisant par ailleurs diverses injonctions liées à l’impératif gestionnaire, sont ressenties par les acteurs notamment, professionnels comme des formes de dégradation de leurs conditions de travail ; L’agrandissement de leur territoire d’intervention concourt à cette dégradation -notamment, en milieu rural. En effet la réorganisation des services sur un territoire élargi aboutit de fait à accroître les distances parcourues — sans pour autant que soient pris en compte les trajets entre deux domiciles de “clients”. Les professionnels expriment un sentiment de décalage toujours plus important entre d’une part, le territoire d’action publique tel qu’il est pensé, projeté, modélisé par les décideurs ; et le territoire vécu par les acteurs “de terrain”. Cependant, un des arguments pour justifier ces réformes se situe au niveau des territoires vécus par les usagers (en France ; clients au Québec) — puisqu’il s’agirait de mieux répondre à leurs besoins, de manière plus égalitaire quelle que soit le territoire d’action publique et administrative. Pourtant ici encore, notre enquête révèle que cette justification reste à un niveau abstrait, et éloigné des préoccupations concrètes des populations dans les territoires vécus.

Les défis d’une programmation équitable : quand la lutte contre les inégalités “oublie” le lien social et les vulnérabilités humaines

Dans le contexte de réformes territoriales mais aussi, de rigueur budgétaire, la mise en place progressive de nouveaux modes de pilotage à distance de l’action publique (nouvelle gestion publique), participe de la recentralisation et du recul de la co-construction des politiques publiques puisque les décideurs gouvernent “par les dispositifs” et les tableaux de chiffres, loin des “territoires vécus” des acteurs de la société civile (Bourque, 2018 ; Bresson et al., 2015).

L’exemple que nous prenons ici est directement lié à la réforme de 2015 au Québec, donc, au processus de fusion des diverses structures sanitaires et sociales des territoires locaux dans de vastes centres CISSS ou CIUSSS. C’est ici en effet que s’observent le mieux les conséquences d’une autre réforme liée appelée : approche par programmes (ou par silos), visant la programmation équitable des moyens sur chaque territoire. Cette approche nous est présentée par une responsable de service du CIUSSS dans lequel ont été menées les observations, dans la région rurale de Mauricie :

Beaucoup d’analyses démographiques ont été faites. On travaille de plus en plus sur la pertinence des services à offrir à la clientèle. (…) L’objectif c’est un accès uniforme pour la clientèle. Après on nous demande un modèle dit pur, mais on n’a pas le volume pour faire ça dans les petits territoires… On attend d’un gestionnaire de cas qu’il soit proactif, parce qu’on manque de clients [qui correspondent au profil de l’intervenant en place]. (Chef de service, CIUSSS, Shawinigan, avril 2018.)

Cette citation est révélatrice du mécanisme qui nous intéresse dans cet article, parce qu’il permet de mieux comprendre comment s’instaure l’écart observé entre territoire abstrait et territoire vécu. Le point de départ est essentiel : il ne s’agit pas de répondre ni, à des demandes de personnes âgées ni, encore moins, à des observations faites par des acteurs professionnels. Mais le point de départ est la modélisation de territoires abstraits à partir d’indicateurs démographiques liés au vieillissement : “Beaucoup d’analyses sociodémographiques ont été faites”. C’est en se fondant sur des indicateurs sociodémographiques (statistiques) du vieillissement, évalués en amont par des chercheurs à l’échelle de territoires vastes et abstraits, que les responsables politiques “du ministère” et les managers de grande structure fusionnée (le CIUSSS) entendent programmer une offre de service “plus égalitaire” pour la “clientèle” dans les territoires vécus.

Avant on avait des petits établissements avec chacun sa culture, ses interprétations des politiques, ça amenait beaucoup d’inéquité, de différences… on est en train de mettre en place le nouveau modèle : l’approche par programme. Ça va répartir mieux, de manière plus uniforme selon les besoins. (Chef de service, CIUSSS, Shawinigan, avril 2018)

Ainsi, l’objectif des politiques menées n’est plus de répondre aux demandes (besoins exprimés) ni aux attentes des populations, mais d’ajuster “par en haut” l’offre aux caractéristiques démographiques du territoire. Ceci implique, pour les professionnels, qu’ils doivent désormais repérer le “besoin” (supposé réel mais défini abstraitement par les statistiques) de la “clientèle”. De fait, l’injonction faite aux professionnels est d’ajuster leur production d’aide et de services au plus près de la programmation. Concrètement, il s’agit pour eux de cesser de répondre à la demande “trop importante”, jugée illégitime de certaines populations ; et inversement, d’aller chercher les clients qui ne demandent pas -sous couvert d’égalité et aussi, au motif que ces habitants pourraient finalement voir leur situation se dégrader et recourir davantage à l’hébergement public, plus coûteux et éloigné de leur domicile (en milieu rural).

Cependant, ce raisonnement, qui ne prend pas en compte l’histoire des solidarités concrètes nouées sur les territoires n’est pas compris et produit des effets négatifs sur les conditions de travail et la satisfaction au travail, en particulier en milieu rural :

L’intervenant au quotidien répond à la demande au lieu d’être en pro-action. Mais on a nommé une technicienne à M… On a un problème de recrutement de clientèle… On manque de clients. On est allé chercher de bons intervenants qui dépriment car ils n’ont pas assez de cas.[Et qu’en pensent les salariés ?] Beaucoup sont hyper nostalgiques. On est loin de la petite entreprise familiale.
(Chef de service, CIUSSS, Shawinigan, avril 2018)

Cette cheffe de service se dit par ailleurs favorable à la réforme, au nom d’un double principe d’équité territoriale et d’efficacité de l’action publique. Pourtant, elle observe que la programmation produit des effets non souhaités : le premier étant le départ de beaucoup de salarié.es et le second, la difficulté à recruter des aidant.es ou préposé.es à domicile dans le nouveau et grand territoire rural desservi par le CIUSSS (en dépit pourtant, des conditions salariales très supérieures au Québec par rapport à la France). Ces difficultés peuvent s’expliquer pour plusieurs raisons ; en effet, les distances à parcourir sont grandes puisque l’intervenant doit faire (presque) le même nombre de clients que dans les autres territoires — mais l’institution ne prend pas en compte, ou insuffisamment, la contrainte des transports. Selon d’autres témoignages, la résistance voire, la nostalgie des professionnelles s’explique par la perte des liens tissés de longue date avec les habitants — les habitants de leur côté, se plaignant aussi pour cette raison.

C’est ici qu’intervient la différence entre territoire abstrait (programmé pour l’égalité et la prévention de risques futurs) et territoire vécu (ancré dans un espace physique et des relations humaines). L’argument de la perte de liens est-toutefois considéré comme illégitime par les responsables politiques et les managers du CIUSSS, au nom de la logique de distribution égalitaire. Les liens sociaux entre professionnels et clients seraient des surconsommations “trop faciles”, au détriment de l’aide à fournir à d’autres personnes.

Si on a toujours le même intervenant dans une ressource X, c’est facile de créer des liens… Là, on va essayer d’être en pro-action. C’est tout ça qui est prévu dans le cadre de référence. Actuellement on répond à la demande, mais l’enjeu c’est d’éviter la rupture avant la demande. (Chef de service, CIUSSS, Shawinigan, avril 2018)

Dans l’approche par programme, c’est donc l’histoire longue des territoires vécus et des solidarités concrètes qui s’effacent au profit des besoins supposés plus légitimes, définis par les scientifiques, ciblés par les politiques publiques et appliqués par les organismes sociaux. Pourtant ce territoire abstrait échappe aux acteurs du territoire vécu, produisant déception et incompréhensions. Au nom de l’égalité, c’est dès lors le lien constitutif entre territoire et cohésion sociale qui est selon nous, oublié, comme l’illustre cette réponse à une question posée en fin d’entretien à une responsable de service CIUSSS : “[Mais alors c’est quoi maintenant, votre territoire ?] Nous le territoire, on n’en a plus. C’est aussi pour ça qu’il n’y a plus besoin de coordination… Je leur dis : vous allez là, ou là.” (Chef de service volet psychosocial, CIUSSS, Shawiningan, avril 2018).

Dans le secteur des services à domicile, le besoin de coordination s’explique par la nécessité d’organiser les relations humaines à l’échelle des territoires vécus (Bresson & Dumais, 2021). Dans l’approche “par programme”, l’objectif d’égalité des services, répartis selon des besoins calculés rend inutile la coordination en oubliant la prise en charge concrète et humaine des vulnérabilités. Or, le territoire n’est pas un simple lieu de répartition de moyens mais un cadre social d’intégration (ou intégrateur social) au sens de la définition durkheimienne de la solidarité : il “fait tenir les hommes ensemble”.

Conclusion

C’est parce que le territoire “fait commun” à l’intérieur de frontières définies à un moment donné, que les politiques menées au niveau macrosocial entrent en tension avec les territoires vécus, eux-mêmes modelés par l’histoire des mobilités et des liens construits dans ces espaces. C’est au croisement de ces logiques complexes que les va et vient de la décentralisation/recentralisation ou encore, les fusions de structures contribuent à l’inadéquation de certaines réponses des politiques à la vulnérabilité humaine (même quand ces politiques sont formulées au nom d’objectifs en apparence consensuels comme la répartition équitable des moyens par habitant sur chaque territoire administratif).

Dans le contexte de la grande région rurale de Mauricie, territoire à faible densité et vieillissant, notre recherche montre que ces orientations produisent des effets inattendus, voire pervers, révélés par les témoignages d’intervenantes sanitaires et sociales. La réforme de 2015 au Québec, portant une conception abstraite de l’environnement social et territorial, illustre, selon l’analyse proposée, une forme d’ “oubli” de l’environnement humain et du tissu historiquement constitué de liens sociaux et d’interdépendances concrètes, qui s’étaient nouées au fil du temps comme rempart aux vulnérabilités humaines.

Cette conclusion générale ne saurait faire oublier cependant les limites inhérentes à toute tentative de généralisation de résultats. L’enquête franco-québécoise qui fonde les réflexions ici présentées a été réalisée à partir de quatre monographies de territoires, élaborées à partir de données secondaires, d’observations et d’entretiens en regard croisés. L’analyse produite par une chercheuse française sur une situation québécoise présente à n’en pas douter certains biais mais aussi, nous l’espérons, des éléments heuristiques — appelant aux échanges et débats avec des chercheurs et chercheuses (notamment, du Québec) pour confronter, approfondir les réflexions et pour mener de nouvelles recherches.

Dans une société mondialisée, individualiste, la question du territoire réinterroge les conditions du “vivre ensemble” et du maintien d’un collectif. Mais alors que les images de ghettos de riches, de pauvres et le développement des liens “à distance” faisaient craindre le développement des séparatismes, la crise sanitaire COVID-19 est venue rappeler, au printemps 2020, l’interdépendance entre les hommes et les femmes de toutes conditions au sein des espaces physiques partagés — invitant à repenser à cette échelle le pacte politique, civil, social ainsi que les devoirs et droits attachés.

Remerciements

Nous remercions l’ensemble de l’équipe de recherche franco-québécoise ANR/FQRSC Ficopsad 2016-2022 et notamment, Christian Jetté, coordinateur scientifique de l’équipe québécoise avec laquelle les données ont été collectées ainsi que Maks Banens, sociodémographe au Centre Max Weber (France) pour ses apports à l’analyse démographique des territoires.

Références

ANR Ficopsad. (2022). Mémoire scientifique (version finale, coordonnée par Maryse Bresson).

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Date de soumission : 28/02/2023 | Date d’acceptation : 05/02/2024

Notes

[1]Ficopsad : recherche franco-québécoise ANR/FQRSC Ficopsad 2016-2022 coordonnée par Maryse Bresson (pour l’ANR-équipe France) et Christian Jetté (pour le FQRSC-équipe Québec).

[2]En particulier l’annexe 1 au Mémoire scientifique, de Maks Banens : “Démographie et dépendance — présentation résumée des résultats de l’équipe Ficopsad”.

Autores: Maryse Bresson